Santé des séniors en Guadeloupe… Interview du Dr Larissa Vainqueur Praticien Gériatre - Centre Hospitalier universitaire de Guadeloupe (CHUG) et formatrice à l'Ireps
05/07/2023
La filière gériatrique a pour vocation de « permettre à chaque personne âgée, quel que soit son lieu de résidence, de pouvoir accéder à une prise en charge globale médico-psycho-sociale, graduée, répondant aux besoins de proximité mais aussi au nécessaire recours à un plateau technique »
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots...
Je suis le Dr VAINQUEUR Larissa, je suis gériatre au CHU de la Guadeloupe depuis la fin d’année 2019.
Le service de gériatrie est un service qui fonctionne en filière gériatrique. La filière gériatrique a pour vocation, selon la circulaire de mars 2007, de « permettre à chaque personne âgée, quel que soit son lieu de résidence, de pouvoir accéder à une prise en charge globale médico-psycho-sociale, graduée, répondant aux besoins de proximité mais aussi au nécessaire recours à un plateau technique ». Nous pouvons donc prendre en soin et suivre les personnes âgées en hospitalisation mais aussi en ambulatoire c’est-à-dire en consultation et en hôpital de jour.
Par ailleurs, je suis actuellement médecin référent de l’équipe mobile de gériatrie extrahospitalière de la Guadeloupe.
C’est une équipe pluridisciplinaire composée de médecin, d’infirmiers d’une assistante de service social, une assistante médicale administrative.
Elle a pour mission de :
- réaliser des évaluations gériatriques approfondies nécessaires à la bonne prise en charge des personnes âgées à domicile, en accueil familial et en EHPAD,
- de diffuser les bonnes pratiques gériatriques en EHPAD, chez les professionnels libéraux de santé,
- d’éviter le recours inapproprié aux services d’urgences en orientant les patients vers les bons maillons de la filière gériatrique,
- de développer un travail en interdisciplinarité.
Son rôle reste consultatif et nous travaillons en collaboration avec les professionnels libéraux en place.
Nous fonctionnons depuis maintenant 1 an et avons vocation à intervenir en Guadeloupe, dans les Iles du nord ainsi que dans les iles du sud. Nous montons donc en charge progressivement.
Une communauté pour mieux vieillir en Guadeloupe
Je suis aussi présidente de la société de gériatrie et gérontologie de la Guadeloupe (SGGG).
C’est une société savante sous le régime de la loi 1901. Elle a pour but de participer aux réflexions autour de la prise en soin de la population guadeloupéenne âgée, de diffuser la connaissance et les pratiques sur le territoire tout en mettant l’accent sur les réalités du terrain sur le plan local. Elle se veut pluridisciplinaire.
A travers la SGGG et avec mon travail au CHU de la Guadeloupe, je peux donc apporter ma petite pierre à l’édifice dans la prise en soin des personnes âgées de notre département.
A votre niveau quel retour pouvez-vous faire au sujet de la santé des séniors en Guadeloupe ?
Nous sommes dans un département où nous avons une prévalence de pathologies chroniques plus élevées qu’en France hexagonale avec des facteurs de risques cardio-cérébro vasculaires bien présents (HTA, diabète, syndrome métabolique) mais aussi des facteurs environnementaux qui peuvent rentrer en jeu comme les inégalités d’accès aux soins, la précarité.
Par ailleurs, on se rend compte que l’on a une augmentation de personnes âgées isolées du fait de la situation démographique de notre territoire : les aidants naturels sont souvent hors du département. Tous ces éléments entrainent des situations de rupture qui ont un impact non négligeable sur la santé de nos séniors. Nos séniors vivent surtout à domicile et bénéficient de la solidarité familiale mais la situation démographique actuelle montre qu’il n’y a pas toujours du monde présent pour assurer cette solidarité familiale.
Selon vous, quels sont les enjeux prioritaires concernant la santé des séniors ?
Si on regarde les chiffres de l’INSEE, la Guadeloupe sera un des départements les plus âgé. Les plus de 65 ans devrait représenter 28% de la population guadeloupéenne. Ce sont des chiffres qui parlent et interpellent. L’horizon 2030 c’est demain…
Tout d’abord, il faut axer notre travail sur la prévention : « comment vieillir en autonomie ».
Accompagner notre population dès le plus jeune âge dans la mise en place de règles hygiéno-diététiques : manger équilibré, pratiquer une activité physique régulière, préserver sa santé mentale, créer du lien social.
La dépendance est malheureusement souvent irréversible, il est donc primordial d’accompagner nos séniors sur le territoire à préserver leur indépendance dans les activités de la vie quotidienne.
Il faut donc que l’on puisse détecter le risque de perte d’autonomie le plus tôt possible afin d’agir au bon moment.
Je pense que la prévention doit être notre cheval de bataille à tous pour les années à venir.
Selon vous quelles actions pourraient être menées pour améliorer la santé des seniors ?
Il y en a beaucoup et je ne pourrai pas tous les énumérer. Il y a beaucoup de chantiers déjà entamés et en bonne voie donc je partagerai ceux qui me semble les plus urgents.
La prévention : augmenter nos actions de préventions afin de détecter le risque de perte d’autonomie.
Cependant une fois que nous avons détecter le risque de perte d’autonomie il faut pouvoir mettre des actions en place afin de maintenir nos séniors le plus autonome possible. Nous avons besoin sur le territoire d’encore plus de clubs de sport adaptés aux séniors afin qu’ils puissent continuer à pratiquer une activité physique, d’atelier équilibre afin de prévenir le risque de chute, plus de clubs afin de favoriser le lien social et maintenir les fonctions cognitives etc… Il faut aussi qu’ils puissent se rendre à ses différents ateliers quand il existent… Quid du transport ? Certains de nos ainés ne conduisent plus et leurs enfants travaillent. Il existe déjà des dispositifs d’aide aux transport mis en place par nos instances mais sous certaines conditions.
Il faudrait aussi poursuivre le travail déjà mené par les partenaires sociaux qui est de fluidifier au maximum l’accès aux dispositifs d’aide. Nous avons la chance d’avoir des instances qui ont mis en place nombre de dispositifs afin d’accompagner nos séniors. Cependant, on sent que le grand public n’est pas toujours au courant des dispositifs d’accompagnement au maintien à domicile qui puissent exister.
Le besoin de services d’aide à la personne est très fort. Beaucoup de réflexions ont déjà été entamé autour de la silver économie. Comment soutenir les différents acteurs locaux qui souhaitent s’inscrire dans cette branche et comment rendre ces services accessibles à notre population qui ne peut pas toujours se payer ces services ?