Ireps Guadeloupe - Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé
Fondée sur une approche globale de la santé, l’Ireps Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy travaille en étroite relation avec les associations de prévention du territoire de la Guadeloupe et des îles du Nord.

Patricia Braflan-Trobro : Regard autour des questions de genre et de violence dans les relations entre femmes et hommes en Guadeloupe…

Les violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques touchent encore un grand nombre de femmes, et la sous-déclaration de ces violences demeure un défi majeur. Les causes de ces violences sont complexes et multifactorielles, mais elles sont souvent enracinées dans des normes culturelles patriarcales, des déséquilibres de pouvoir et des dynamiques de contrôle.

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Les stéréotypes de genre et les attentes sociales traditionnelles continuent souvent à limiter les opportunités des femmes dans de nombreux domaines.

Présentez vous en quelques mots...

Je suis la fille d'Arsène Trobo, une marie-galantaise de la section de Gay. Je suis la mère de 2 enfants. Remi 30 ans et Nina 25 ans. Épouse depuis 33 ans de Dominique Braflan et sœur de Joël, Jocelyne, Georges et Bruno Trobo.

J'ai été recrutée à l'ANPE Guadeloupe, agence de Pointe-à-Pitre en 1991 en tant que chargée des relations entreprises. En 1993 je suis devenu AEP (animatrice d'équipe professionnelle) puis en 1995 directrice adjointe de ladite agence.

J'ai exercé ces fonctions de directrice adjointe et directrice par intérim jusqu'en 2006 où je suis devenu directrice de l'agence ANPE de Bouillante toujours en Guadeloupe. En 1998, j'ai quitté l'agence de Bouillante et suis devenu chargée de mission. Je suis actuellement chargée d’accompagnement managérial à France Travail Guadeloupe.

Parallèlement à ma vie professionnelle j'ai repris les études, et passé un DESS en Ressources Humaines en 2002 (université de Nancy), un DEA de sciences politiques en 2003 (UAG) et ai soutenu une thèse de doctorat en sciences sociales, à l'Université de Paris Est Créteil en 2016.

J'enseigne aussi le management et les ressources humaines depuis 2003 au CNAM et à l'université des Antilles. Je suis aussi consultante en management auprès de grandes entreprises et donne des conférences grand public sur de nombreux sujets de sociétés propres à la Guadeloupe, particulièrement sur les problématiques liées à l'impact de l'esclavage dans les relations sociales contemporaines au sein de la société guadeloupéenne*.

En 2013 je me suis engagée avec Evita Chevry et Maxe Custos contre les violences faites aux femmes en créant le Manifeste des 308. Nous avons mené de nombreuses actions sur le territoire.


Quel regard portez-vous sur les inégalités et les violences de genre en Guadeloupe ?

En dépit du fait que les femmes occupent une place importante dans l’organisation de la société guadeloupéenne elles ne sont pas à l’abri des violences de genre.

Les inégalités de genre se manifestent à plusieurs niveaux dans la société guadeloupéenne, notamment sur le plan économique, social et politique. Malgré des avancées significatives en matière de droits des femmes, des disparités persistent en termes d'accès à l'emploi, de salaires, de participation à la vie politique et de représentation dans les instances de décision. Les stéréotypes de genre et les attentes sociales traditionnelles continuent souvent à limiter les opportunités des femmes dans de nombreux domaines.

Les violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques touchent encore un grand nombre de femmes, et la sous-déclaration de ces violences demeure un défi majeur. Les causes de ces violences sont complexes et multifactorielles, mais elles sont souvent enracinées dans des normes culturelles patriarcales, des déséquilibres de pouvoir et des dynamiques de contrôle. Certains hommes ont du mal à sortir des anciens schémas de domination tout en souhaitant avoir des compagnes indépendantes financièrement et libérées sexuellement.

Il est essentiel de reconnaître que les inégalités de genre et les violences qui en découlent ne peuvent être résolues uniquement par des mesures législatives ou des politiques publiques. Une approche globale, prenant en compte l’histoire de la construction des relations femmes-hommes en Guadeloupe, qui sont issues de l’esclavage, est nécessaire. Cela implique un travail de sensibilisation, d'éducation et de transformation des normes sociales pour promouvoir l'égalité des sexes et mettre fin aux violences de genre.


Quel regard portez-vous sur les relations hommes femmes en Guadeloupe ?

Les relations femmes-hommes en Guadeloupe ne sont ni pires ni meilleures que celles d’autres pays, d’autres sociétés. Il faut absolument comprendre que les relations femmes-hommes sont le fruit de la construction de la société. Tous les éléments de construction de la société ont un impact sur la structuration des relations femmes-hommes en son sein.

Compte tenu du contexte spécifique de la société guadeloupéenne, issue de l'esclavage où les femmes ont souvent eu des rôles significatifs, il est nécessaire d'adopter une perspective historique pour comprendre les relations entre femmes et hommes en Guadeloupe.

Dans la société guadeloupéenne post-esclavagiste, les relations entre hommes et femmes sont influencées par des dynamiques complexes héritées du passé esclavagiste. Pendant la période de l'esclavage, les femmes esclaves étaient souvent soumises à une double oppression en raison de leur race et de leur genre. Elles étaient contraintes de travailler dans les champs aux côtés des hommes tout en assumant des responsabilités domestiques et familiales importantes.

Cette expérience historique a façonné les relations de genre en Guadeloupe d'une manière singulière. Les femmes ont souvent joué un rôle central dans la survie et la résilience des communautés, assumant des responsabilités économiques et familiales importantes. Leur contribution à la vie sociale et économique de la Guadeloupe a été essentielle et a souvent été valorisée. Les femmes ont acquis le statut de femme potomitan, ou colonne vertébrale comme on peut l’entendre dans la Caraïbe avec l’expression backbone.

Cependant, malgré cette importance historique des femmes, les relations femmes-hommes en Guadeloupe ne sont pas exemptes de défis et d'inégalités. Les normes sociales traditionnelles et les attentes de genre persistent, influençant les rôles assignés aux femmes et aux hommes dans la société. Les stéréotypes de genre, les déséquilibres de pouvoir et les attitudes patriarcales peuvent encore limiter les opportunités des femmes et perpétuer les inégalités.

Il est donc essentiel d'examiner les relations femmes-hommes en Guadeloupe dans un contexte plus large, en tenant compte des héritages historiques, des structures sociales et des dynamiques contemporaines. En travaillant vers une société plus égalitaire et inclusive, il est crucial de reconnaître et de valoriser les contributions des femmes tout en promouvant le respect mutuel et l'égalité des droits entre les genres.


Que faudrait-il faire (selon vous) pour améliorer la situation ?

Plusieurs mesures doivent être mises en place

- Il est crucial d'œuvrer pour sensibiliser la population guadeloupéenne aux enjeux de l'égalité des genres, en mettant l'accent sur l'importance du respect mutuel, de l'égalité des chances et du rejet des stéréotypes de genre.

- Il faut intégrer fortement les garçons et les hommes à tous les programmes de lutte contre les violences faites aux femmes et en faveur de l’égalité femmes-hommes.

- Intégrer des programmes éducatifs non sexistes dans les écoles pour promouvoir l'égalité des genres dès le plus jeune âge et encourager la remise en question des rôles traditionnels assignés aux femmes et aux hommes.

- Promouvoir l'autonomisation économique des femmes en facilitant leur accès à l'éducation, à la formation professionnelle, à l'emploi et à l'entrepreneuriat.

- Les institutions (Etat, Conseil Régional, Conseil Départemental) doivent soutenir financièrement et institutionnellement les organisations de femmes et les initiatives qui œuvrent pour l'égalité des genres et la lutte contre les violences faites aux femmes.



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